samedi 5 mars 2011

To Be Friends and to Befriend

À Opal 4 vit un renard. Un beau renard roux qui erre entre Tufnell Park et les bâtiments où j’habite. Un renard que je croise presque tous les soirs à mon retour à la maison, ou quand je vais courir au parc.

À Opal 4 vit aussi une jeune fille qui se cherchait des amis il n’y a pas si longtemps. Une jeune fille qui n’était pas sur sa planète et qui avait laissé sa rose sur son astéroïde.

Vous connaissez cette histoire non ? Celle du Petit Prince. Bien, depuis que j’ai croisé le renard de Tufnell park la première fois, j’ai ce conte en tête. Je ne sais plus combien de fois j’ai pu lire cette fable. Malgré tout, je ne me rappelais plus clairement qu’elle était la leçon à tirer de la rencontre entre le petit homme et l’animal fauve.

Lors de sa visite, j’en ai glissé un mot à ma mère qui m’a gentiment rappelé que le renard du petit prince était le symbole de l’amitié. Pas n’importe quelle amitié : les vraies relations, avec des gens que l’on a pris le temps d’apprivoiser.

Être loin, c’est aussi avoir un point de vue différent sur ses amis, les plus anciens comme les nouveaux. On doit se réajuster avec tous ces camarades que l’on a rencontrés il y a des années lumières déjà, parce qu’il faut apprivoiser notre nouvelle relation à distance. Et on doit aussi commencer de rien avec ces nouvelles personnes que l’on rencontre à l’étranger, parce qu’ils sont la clé d’une vraie expérience en terre internationale.

Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde...

Ce n’est pas facile de comprendre pourquoi il faut apprivoiser les gens. Combien de fois j’ai dû me présenter depuis deux mois ? Des centaines ? Parfois à des gens qui ont oublié mon nom à la minute qui a suivi, parfois à des personnes qui remplissent quotidiennement ma vie maintenant. Pourtant il y en a peu que j’ai véritablement envie d’apprivoiser, peu pour qui j’ai envie d’investir temps et patience, peu qui deviendront assez importants pour être synonyme de Londres. Mais quelques unes de ces personnes croisées sur le chemin sont des perles que la vie met sur notre route. On tombe sous le charme au premier moment, par curiosité, intérêt ou même par affront, mais ce n’est qu’avec le temps que l’on pourra départager les compagnons de route des passagers clandestins.
Ma vie est monotone. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...

Ce n’est pas facile non plus de laisser tous ses amis derrière. De ne pas pouvoir leur parler quand on veut, les inviter à souper rien que pour avoir le plaisir de discuter et rire avec eux. Le problème avec les nouveaux amis, même s’ils sont fascinants, c’est qu’ils ne viennent pas avec les belles histoires. Avec tous ces souvenirs, ces années partagées. Ils ne comprennent pas encore les silences, les expressions de votre visage, ils ne savent pas d’où vous venez et n’ont pas encore eu accès à votre jardin secret. Leur virginité est agréable, mais des fois on a besoin d’expérience :)

On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. … Il faut être très patient. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près... 

Or, le temps fait bien les choses et au moment où l’on commence à sentir un besoin de « chez-soi », les relations nouvelles le sont de moins en moins. Les amis londoniens commencent à connaître la Audrey londonienne et Londres semble vouloir prendre le titre de « chez-nous ». On établi des rites comme des « girls night out » ou des « Bios seminars nights ». On s’écrit des textos pour se dire comment le weekend s’est passé. On va dîner sur la terrace de la Somerset House quand le soleil se pointe le nez dehors. Et les « enchanting stories » commencent à prendre forme d’elles mêmes.
Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai; je découvrirai le prix du bonheur! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le cœur. Il faut des rites.

Il y a immanquablement ces amis de toujours. Ces personnes essentielles qui viennent te visiter même quand tu es à l’autre bout du monde. Qui prennent la peine d’amener le rituel jusqu’à toi. Une tribu qui débarque pour découvrir ton environnement, en profiter un peu et se rassasier de ta présence, aussi incroyable que cela puisse te paraître. Ces amis qui créent de nouveaux rituels pour palier à la distance: les cartes postales, les conversations Skype, les courriels, les petits mots gentils sur Face de book ou les niaiseries imagées :)

Voici mon secret. Il est très simple: on ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. Les hommes ont oublié, cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose...


Même si les amitiés se redéfinissent à travers la distance, elles restent toutes inestimables et indestructibles. Parce qu’on leur a alloué du temps, de l’énergie, de l’amour.

Je pense à vous souvent mes amis ! En regardant des paysages, en visitant des musées, en me baladant dans les rues ou même en travaillant. Je pense à vous tout le temps et par vos messages ou votre visite vous vous taillez une place à l’intérieur de cette vie que je me suis fait ici. Vous me manquez, tous sans exception. Pour les mêmes raisons pour lesquelles j’avais décidé de vous apprivoiser au départ, j’aurais envie de vous avoir avec moi. Ces raisons pour lesquels vous êtes des amis uniques et indispensables.

Et quand l'heure du départ fut proche:
- Ah! dit le renard... Je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.

Ces quelques amis magiques que j’ai eu la chance de me faire à Londres, eux, continuent à m’apprivoiser autant que je les apprivoise et un jour je pourrai dire qu’ils font partie de moi, comme vous faites partie de moi. Comme je vous ai dit au revoir pour quelque temps, je leur dirai aussi au revoir un jour. Peut-être que je pleurerai, comme le renard quand il a été le temps pour le Petit Prince de partir. Mais je ne perdrai rien, au contraire, car j’aurai tous ces souvenirs qui m’aideront à me rappeler qu’ils sont uniques au monde et que quelque part dans un autre pays, ils continueront leur vie en promenant dans leur cœur une petite québécoise aux joues roses.

Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux, la nuit, de regarder le ciel.

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